Ichnofaciès - Bioturbation et Traces fossiles dans le Grès armoricain
Bagnoles (Orne) - Page 1

Les traces de bioturbation (terriers et pistes) sont particulièrement abondantes dans le Grès armoricain de Bagnoles-de-l’Orne. Leur observation permet la reconstitution des conditions de dépôt des sédiments. Ces traces, dont les animaux responsables ne sont pas identifiés de façon certaine, sont le plus souvent désignées sous un nom d’ichnogenre (Rusophycus, Cruziana, Skolithos). Les ichnogenres sont de bons indicateurs de la profondeur, de l’hydrodynamique du milieu et des propriétés du substrat ; ils sont utilisés pour désigner des ichnofaciès correspondant chacun à des conditions précises d’environnement sédimentaire.
Ainsi, le passage de l’ichnofaciès à Skolithos de la partie inférieure du Grès armoricain à l’ichnofaciès à Cruziana de la partie supérieure indique un approfondissement du milieu de sédimentation au cours de l’Arénigien. Cet approfondissement se confirme et s’accentue au Llanvirnien avec le dépôt des siltites et argilites qui formeront les Schistes du Pissot.

Ichnofacies à Skolithos   
Les Skolithos sont bien exposés dans la tranche des bancs épais de la base du Grès armoricain. Ce sont de  longs terriers verticaux, assemblés en populations denses ; ils sont abondants dans les sables propres de la zone littorale peu profonde (zone intertidale). Les terriers sont d'auntant plus longs (jusqu'à un mètre) que la vitesse de sédimentation est élevée.
Le faciès à Skolithos, caractéristique du Grès armoricain, se retrouve dans tout le massif armoricain jusque dans le SW de l’Europe (Espagne) ; il correspond à de vastes épandages de sables littoraux quartzeux presque purs à l’Arénigien (Ordovicien inférieur).

Skolithos linearis
Les Skolithos peuvent présenter des constrictions donnant un aspect annelé. Les formes annelées et lisses sont actuellement regroupées dans une seule ichnoespèce nommée Skolithos linearis (Durand 1985). Pour tous les Skolithos, le remplissage gréseux des terriers est identique à celui du sédiment-hôte.

Skolithos vus de dessus
La face supérieure d’un banc massif du Grès armoricain présente de nombreuses entrées de terriers d’environ 1 cm de diamètre. Les organismes responsables de la construction de ces terriers étaient des vers marins suspensivores, tels que des annélides polychètes connus actuellement dans les milieux intertidaux ou subtidaux.
Traces actuelles d’arénicoles (annélide polychète) sur une plage sableuse.
Les arénicoles, vers marins actuels, creusent des terriers verticaux en U dans le sable de la zone intertidale (découverte à marée basse).
A survoler
Ichnofaciès à Cruziana
De longues pistes bilobées et sinueuses sont creusées à la surface supérieure d’un banc du Grès armoricain ; elles appartiennent à l’ichnogenre Cruzianafréquent dans les sables et les silts bien classés. Ces pistes correspondraient à des traces de locomotion de trilobites (ou d’autres arthropodes) vivant près du fond marin. Le faciès à Cruziana caractérise un milieu littoral plus profond (zone sublittorale) que le faciès à Skolithos (zone intertidale).
Rusophycus ou « Pas de bœuf »
L’ichnogenre Rusophycus se présente sous forme de traces bilobées courtes et profondes, larges de 5 à 15 cm, interprétées comme des traces de repos ou d’affouillement nutritionnel. Les ichnogenres Rusophycus et Cruziana sont souvent associés à la surface des bancs du Grès armoricain ; ils correspondraient aux traces laissées par différentes phases d’activité des mêmes animaux marins, tels que les trilobites.
Terriers de Lingules
Visibles à la surface supérieure des bancs de Grès armoricain, ces terriers sont attribués à des lingules, grands brachiopodes vivant en zone sublittorale. Quatre espèces de Lingules, réparties en 3 genres, ont été recueillies (Morière, 1878) dans le Grès armoricain du site des Pierres Plates : Ectenoglossa lesueuri, Lingula hawkei, Lingula salteri (espèce la plus fréquente) et Edionobolus brimonti.
Chaque terrier en forme de fente abritait la coquille rectangulaire et un peu aplatie d’une Lingule.
Les lingules existent encore de nos jours dans les mers chaudes. Elles vivent enfouies verticalement dans le sable ; la coquille est reliée au fond du terrier par un long pédoncule. Elles se nourrissent en filtrant l’eau, la coquille restant entrouverte à la surface du sable. Elles peuvent se rétracter dans leur terrier grâce à leur pédoncule.

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