L'Icartien - Les Orthogneiss œillés - Page 1
Anse du Cul Rond (Manche)

Les orthogneiss œillés affleurent à proximité des paragneiss de l’anse du Cul-Rond ; ils proviennent du métamorphisme d’un granite icartien, mis en place au cours de l’orogenèse icartienne. En effet, la datation par la méthode U/Pb sur zircon a permis d’attribuer à l’intrusion granitique un âge de 2 milliards d’années (orogenèse icartienne) et à sa transformation en orthogneiss un âge d’environ 610 MA (orogenèse cadomienne). 

Caractéristiques pétrographiques
Entre les gros cristaux roses de feldspaths potassiques (orthose ou microcline), de minces lits clairs quartzofelspathiques alternent avec des lits sombres de biotite.
Ce gneiss œillé a la même composition minéralogique qu’un granite ; il en diffère par sa foliation. Il provient du métamorphisme (cadomien) d’un ancien granite (icartien), c’est donc un orthogneiss.
Bien qu’ayant été porté à des conditions de température et de pression suffisantes, ces orthogneiss ne contiennent pas de sillimanite (qui est pourtant présente dans les paragneiss voisins affectés par le même métamorphisme) ; en effet, la roche d’origine (granite) ne contient pas d’alumine disponible pour la formation de sillimanite (silicate d’alumine) au cours du métamorphisme alors que pour les paragneiss, l’alumine est fournie en abondance par les argiles présentes dans les sédiments d’origine.

A survoler

Localisation
Les principales observations (yeux de feldspaths, enclaves, migmatisation) peuvent se faire à marée basse  au pied de cette masse rocheuse qui est battue par les vagues lors de la marée montante. En arrière-plan, la Côte Soufflée limite au Nord l'anse du Cul-Rond.
A survoler

Localisation, vue vers le sud depuis l’estran
Découverts seulement à marée basse, les orthogneiss œillés affleurent dans la partie sud de l’estran rocheux de l’anse du Cul-Rond, à côté des paragneiss qui forment la pointe sud de l’anse
A survoler

Yeux de feldspath rose dans l’orthogneiss œillé
Le gneiss œillé tire son nom de la présence de gros cristaux de feldspath dont la forme en amande évoque des yeux. La forme en amande a été acquise par étirement et amincissement des extrémités des cristaux de feldspath sous l’action de la hausse de pression et de température au cours du métamorphisme.
A survoler

Les lits de biotite contournent et moulent les yeux de feldspath : ces derniers sont donc antérieurs à la foliation, et antérieurs au métamorphisme ; ils préexistaient à l’état de phénocristaux dans le granite d’origine.
 Les yeux de feldspath sont les vestiges des phénocristaux d’un ancien granite porphyroïde (magmatisme icartien) qui a été ensuite métamorphisé (métamorphisme cadomien).

Migmatisation  
Une zone « fondue » (ayant subi une fusion suivie d’une recristallisation), de couleur rose, recoupe la foliation ; elle se reconnaît à son aspect homogène lié à la disparition de la foliation et des yeux de feldspath.
Les zones « fondues » se mélangent localement à des zones « non fondues » où la foliation subsiste. Le mélange de ces zones fondues et non fondues constitue une roche d’aspect chaotique appelée migmatite (migma = mélange).

Lacis filonien
Le matériel quartzofeldspathique issu de la fusion partielle du gneiss œillé est moins dense que la roche non fondue ; il migre vers le haut en formant des filons qui envahissent localement les gneiss œillés.

Début de migmatisation dans les orthogneiss œillés et les paragneiss de l’anse du Cul Rond
Au cours du métamorphisme, sous l’action de la température et de la pression, les orthogneiss œillés (première photo) ont acquis un comportement ductile comme l’indiquent les plissotements de la foliation (en haut à droite) ; ils ont aussi subi une fusion partielle, comme l’indique la présence de leucosomes, amas de matériel quartzofeldspathique clair.
Il en est de même pour les paragneiss (deuxième photo) qui présentent des plissotements et des leucosomes issus aussi de la fusion partielle.
Un début de migmatisation s’observe donc à la fois dans les paragneiss et les orthogneiss œillés : ces derniers ont subi un  métamorphisme de même intensité  aboutissant à un début de fusion du matériel quartzofeldspathique des gneiss ; ce métamorphisme intense s’est produit au cours de l’orogenèse cadomienne (620 M d’années, Protérozoïque supérieur, datation par la méthode U/Pb sur zircon).
A survoler

Enclaves dans les orthogneiss œillés
Des blocs anguleux gris sombre sont inclus dans le gneiss œillé. Ils représentent des fragments des terrains encaissants (Icartien) en enclaves dans le granite intrusif icartien transformé en orthogneiss œillé par le métamorphisme cadomien.
A survoler

Sédiments icartiens gneissifiés en enclave dans les orthogneiss œillés
Cette enclave présente dans les gneiss œillés est actuellement à l’état de paragneiss et la direction de sa foliation est la même que celle des orthogneiss œillés qui les contiennent : c’est au cours du même événement de métamorphisme (cadomien) que le granite intrusif a été métamorphisé en gneiss œillé et que ses enclaves d’encaissant ont été métamorphisées en paragneiss.

Le paragneiss des enclaves est semblable aux paragneiss du sud de l’anse du Cul Rond (décrits à la page précédente) : ces derniers représentent l’encaissant dans lequel le granite intrusif (futur orthogneiss œillé) s’est mis en place.
Les orthogneiss œillés et les paragneiss de l’anse du Cul Rond résultent donc du métamorphisme d’un granite et de son encaissant.
L’intrusion granitique étant datée (par la méthode de datation U/Pb sur zircon) à 2 milliards d’années, les terrains encaissants (futurs paragneiss) sont âgés de plus de 2 milliards d’années (Protérozoïque inférieur, cycle orogénique icartien).
Il n’est pas exclu que l’encaissant (les sédiments gneissifiés) soit encore plus âgé (Archéen ?) et qu’il ait déjà subi un premier épisode de métamorphisme ; le métamorphisme cadomien a effacé les traces des événements antérieurs. En absence de données plus précises, les spécialistes retiennent donc un âge icartien pour les sédiments à l’origine des paragneiss de l’anse du Cul-Rond. De toutes façons, ces roches sont les plus anciennes roches connues à l’affleurement en France.

Filons
Des filons épais recoupent franchement la foliation des orthogneiss œillés : un filon rose d’aplite (première photo) et un filon beige de microgranite (deuxième photo). Ces filons se sont mis en place lors d’un épisode tardif de l’orogenèse varisque.
A survoler

L'Icartien - Les Orthogneiss œillés - Page 1
Anse du Cul Rond (Manche)